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a contrée qui est bornée à l'est par le revers occidental des Vosges et au sud par les monts Faucilles et une partie du plateau de Langres était habitée jadis par une population que César désigne sous le nom de Leuces (Leuci). Comme pour la plupart des peuples de l'ancienne Gaule, l'histoire ne commence pour les Leuces que du jour où ils se trouvent en contact avec les Romains. Ces conquérants, qui rencontrèrent sur le sol gaulois de si redoutables adversaires, n'eurent avec les Leuces que des rapports pacifiques. Lorsque César, se disposant à marcher contre Arioviste et les Suèves, veut rassurer son armée épouvantée, il cite les Leuces parmi les peuples amis de Rome, et qui ont promis de fournir des vivres durant la campagne. C'est que les Leuces étaient des premiers menacés par cette formidable invasion germanique dont les Suèves étaient l'avant-garde ; ils ne virent dans César que le sauveur de la Gaule. César, d'ailleurs, eut soin d'entretenir leurs dispositions sympathiques. On voit dans ses Commentaires que la conquête romaine ne pesa -pas durement sur leur pays ; dans un passage où il énumère les populations gauloises traitées avec le plus de faveur et qui conservèrent de grandes franchises après la réduction du pays en provinces, il cite en première ligne les Leuces. Rome, qui témoignait ainsi sa reconnaissance à un peuple ami, avait su apprécier aussi ses qualités guerrières ; Lucain vante l'habileté des Leuces à manier la fronde. Dans la division de l'empire en provinces, les Leuces furent compris dans la Belgique première. Le pays des Vosges eut sa part des misères qui signalèrent la dissolution de l'empire ; au commencement du Ve siècle, lors de la grande invasion des barbares, il fut désolé par les Vandales, qui pénétrèrent jusque dans la vallée qui donne naissance à la Moselle et ruinèrent un château et une ville qui s'élevaient sur l'emplacement d'Épinal. Un peu plus tard, la domination des Francs, qui étaient aussi de rudes conquérants, s'étendit sur la Gaule, et le pays des Vosges fit partie du royaume de Clovis et, après sa mort, du royaume d'Austrasie, dont il forma la limite méridionale ; au delà des monts Faucilles commençait le royaume des Bourguignons. Au milieu des troubles et des violences dont la période mérovingienne présente le triste spectacle l'histoire du département des Vosges est presque tout entière dans les légendes pieuses et dans les récits des chroniqueurs sur la fondation de quelques monastères, dont les plus célèbres furent Saint-Dié et Remiremont. Dans ces temps malheureux, on ne trouvait un peu de calme et de sécurité que dans la vie monastique. Lorsque Charlemagne, voulant organiser l'empire, établit la division administrative en comtés et légations, le pays qui répondait à peu près au département des Vosges forma trois comtés désignés sous les noms suivants : comitatus Calvomontensis (entre la Moselle et la Meurthe), comitatus Segentensis (vers Mirecourt), comitatus Vosagus (au sud du précédent). Charlemagne et son fils Louis le Débonnaire avaient une prédilection marquée pour ce pays aux vastes et sombres forêts ; ils y venaient souvent en automne pour leurs grandes chasses impériales. Dans le démembrement de I'empire carlovingien consacré par le traité de Verdun, le pays des Vosges fit partie des États de Lothaire ler, et échut ensuite à son fils Lothaire Il ; le royaume de ce prince, qui comprenait les pays situés entre la Meuse, l'Escaut et le Rhin, était appelé la France de Lothaire (Lotharingia), d'où est venu le nom de Lorraine. Pendant un demi-siècle, la possession de ces contrées fut un continuel sujet de guerre entre les tristes successeurs de Charlemagne, princes dégénérés, mais que le souvenir du grand empereur animait d'une insatiable ambition. Lorsque, au commencement du Xe siècle, la Lorraine fut rattachée à l'empire germanique et divisée ensuite en duchés, le pays des Vosges fit partie du duché de Lorraine mosellane ou haute Lorraine, « qui eut pour premier duc, dit M. Gérard Gley, Frédéric de Bar, beau-frère de Hugues Capet, en 959, et qui appartenait en grande partie à des seigneurs ecclésiastiques ou laïques, dont l'autorité était presque sans bornes. » (Géographie physique et historique des Vosges). Les longues luttes des petits-fils de Charlemagne, et plus tard des rois de France et des empereurs d'Allemagne, pour la possession de la Lorraine favorisèrent l'indépendance des seigneurs, qui ne laissèrent aux ducs de Lorraine qu'une autorité restreinte et des domaines fort limités. C'est ainsi que le pays des Vosges se couvrit de ces forteresses féodales dont les vestiges subsistent encore en beaucoup d'endroits. Ce serait une longue et fastidieuse histoire que celle des démêlés et des guerres de tous ces petits tyrans féodaux entre eux et de leurs révoltes contre les ducs de Lorraine. Nous ne ferons pas davantage l'énumération des monastères et des églises qui furent fondés alors dans le pays des Vosges par les seigneurs. Remarquons seulement que plusieurs de ces monastères donnèrent naissance à des villes, que dans ces temps de barbarie les terres ecclésiastiques étaient ordinairement plus respectées que les autres, et qu'ainsi les habitations se groupèrent autour des églises et des monastères. Telle fut l'origine d'Épinal, de Saint-Dié, de Remiremont, etc. Mais ces villes, qui relevaient de la féodalité ecclésiastique ou laïque, grandirent en population et en importance, et il vint un temps où leurs habitants se trouvèrent assez forts pour se soustraire à la sujétion féodale. C'est au XIIIe siècle, du temps du due Ferry III, que la liberté bourgeoise s'établit dans le pays des Vosges, et que les villes y reçurent, comme dans presque toute la Lorraine, ce que l'on appelait la charte ou la loi de Beaumont ; Beaumont était une petite ville de Champagne, bâtie par un archevêque de Reims, qui avait attiré les habitants en leur accordant une constitution municipale d'après laquelle s'organisèrent un peu plus tard un grand nombre de villes. Avec la liberté on vit renaître le commerce et l'industrie ; mais combien la sécurité manquait encore à ceux qui s'aventuraient hors des murs de leur ville ! On voit au XIVe siècle des marchands de Neufchâteau arrêtés sur la grande route et saisis, comme le serait une propriété, par des créanciers de leur seigneur. Une autre misère de cette époque était ces compagnies de pillards et de brigands qui se formaient à la faveur de la guerre entre la France et l'Angleterre, et dont les ravages s'étendirent jusqu'au pied des Vosges ; Neufchâteau fut horriblement dévasté par eux en 1371. (deuxième partie de l'historique) |